La Monarchie belge, un beau souvenir (le Roi Albert II à Vielsalm) et une lettre ouverte (à Philippe) !

(Le Roi Albert II à Vielsalm en 2004. Photo Denis Baccus)

Quelques mots sur notre démocratie, si vous le voulez bien, avant d’évoquer la visite du Roi Albert II à Vielsalm et de vous livrer la belle lettre ouverte que le philosophe Guy Haarscher a adressée à Philippe.

Nous vivons dans une monarchie constitutionnelle et parlementaire avec  des pouvoirs royaux qui sont transmis de manière héréditaire. Rien de bien moderne dans tout cela et sans doute, un président élu sinon par le peuple, en tout cas par le Parlement, serait-il plus conforme à une démocratie moderne.

Mais je ne vais pas faire la fine bouche. La Belgique a son histoire et sa Constitution ; cette dernière organise la fonction royale et, comme on le sait, les pouvoirs du Roi sont limités. Ainsi, il ne peut agir seul: chacun de ses actes est soumis au contreseing d’un ministre qui en porte la seule responsabilité.

Notre monarchie constitutionnelle nous a épargné des choix difficiles et bien des querelles politiques. Ce n’est certes pas le moment de modifier la Constitution sur ce point. Il y a bien d’autres sujets de préoccupation sur le plan économique et sur le plan social.

Qui plus est, le Roi Albert II a remarquablement assumé sa tâche, en 2011 notamment et il a su gérer avec beaucoup d’à propos une belle magistrature d’influence…

Sans compter que son attention pour les autres et sa bienveillance ont conquis le cœur de beaucoup de Belges !

Le Roi Albert II à Vielsalm

Je me souviens avec fierté et émotion de la visite du roi Albert II à Vielsalm en 2004 lorsque j’étais bourgmestre.

Cela fait partie des grands moments d’un mandat de bourgmestre. Je ne peux pas oublier l’enthousiasme populaire qui a marqué cette visite le jour même et dans les semaines qui ont suivi.
Je vous invite à voir ou revoir la petite vidéo réalisée à cette occasion et dont vous trouverez le lien à la fin de cet éditorial.

Une lettre ouverte à Philippe

Dans l’édition du journal Le Soir des 6 et 7 juillet 2013, une trentaine de personnalités belges ou proches de la Belgique ont publié une lettre ouverte à Philippe dans laquelle elles lui font part de leurs sentiments, de leurs préoccupations, de leurs attentes…

Notre gouverneur Bernard Caprasse a publié sur sa page Facebook la belle lettre ouverte de l’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt.

Pour ma part, je vous invite à lire celle de Guy Haarscher, philosophe, professeur de philosophie morale, politique et juridique à l’ULB.

La voici :
« Monseigneur,
Vous allez accéder à un poste dont on ne sait pas combien de temps il subsistera.
Vous exercerez cette fonction en vertu d’un processus opposé à ce qui se passe dans les autres domaines de la vie : c’est parce que vous êtes né fils aîné de roi que vous deviendrez roi.

Jadis, le roi régnait et gouvernait de par ce principe héréditaire. Les privilèges de la noblesse relevaient de la même logique. À l’époque contemporaine, un autre principe, la méritocratie, basé sur l’égalité des chances, a progressivement remplacé l’ancien principe inégalitaire. Les postes de responsabilité sont ouverts à tous. Mais pas le vôtre.

La monarchie s’est néanmoins réconciliée avec la démocratie. Vous régnerez mais ne gouvernerez pas.

Alors, comme disent les enfants, « à quoi ça sert un roi, si ce n’est pas lui le chef ? ».


Les démocraties peuvent fonctionner sans roi : ce sont des républiques, comme la France ou les États-Unis. Mais les monarchies constitutionnelles respectent aussi bien la démocratie et les droits de l’homme.

Pourquoi un roi ?

En Belgique, on dit souvent que le roi est un garant essentiel de l’unité du pays. C’est d’ailleurs pour cette raison que les nationalistes flamands n’aiment pas la monarchie.
Nous jouons à fronts renversés : le sud du pays, très « laïque », est pour la monarchie parce qu’elle apparaît nécessaire à l’unité de la nation. Le nord, de tradition pourtant plus catholique (donc monarchiste), est républicain dans sa composante nationaliste flamande : pour se débarrasser de la Belgique, on doit éliminer le roi des Belges. À l’époque de la question royale, les positions étaient exactement inversées.

Bref, les royalistes de ce pays n’ont souvent pas les « gènes » du monarchisme. Mais ils aiment la Belgique pour sa Constitution, son ouverture et sa tolérance. Ils savent la fragilité de notre liberté. Les républicains flamands les plus radicaux veulent pour leur part une communauté ethnolinguistique souveraine et refermée sur elle-même. Vous avez un jour eu le courage de critiquer cette tendance.


Vous ne sauverez peut-être pas de l’obsolescence  la monarchie et son principe héréditaire. Mais en tant que citoyen, vous pourrez jouer un rôle central : préserver, avec les moyens dont vous disposerez, l’unité d’un pays ouvert, ou, si le divorce se révèle inévitable, faire en sorte qu’il ait lieu dans le respect de l’équité et dans le refus de l’ethnonationalisme. Alors vous aurez inscrit votre nom dans l’Histoire, non parce que vous étiez le « fils de » mais grâce à vos qualités propres. Vous aurez agi, pour reprendre les mots de Jean-Paul Sartre, comme « un homme, fait de tous les hommes, et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ». Vous aurez peut-être, par cette action, fait oublier le côté un peu dérisoire des royals à l’époque de la démocratie et de l’égalité.

Alors pourquoi pas ? Bon courage, la tâche sera dure et noble.

Guy Haarscher »

Que dire de plus ? Sinon souhaiter bon vent au futur Roi ?

Encore une petite réflexion. Dans la première partie de cet éditorial, j’écrivais à propos de notre monarchie constitutionnelle et parlementaire ceci : « Rien de bien moderne dans tout cela et sans doute, un président élu sinon par le peuple, en tout cas par le Parlement, serait-il plus conforme à une démocratie moderne. » Quoique je ne sois évidemment pas favorable à un régime présidentiel ou semi-présidentiel...

Monarchie ou république? C'est une question qui est également évoquée par l’écrivain Pierre Mertens dans une lettre ouverte à Philippe également publiée dans le journal Le Soir.

En voici un extrait : « « On ne règne pas innocemment », a dit quelqu’un. Et un autre : « Il doit y avoir de bons maîtres. Mais je n’aime pas qu’il y ait des maîtres. »

Pourtant cela ne me dérange pas trop que vous surgissiez dans notre Histoire.

Par tempérament, je serais plutôt républicain. Mais tant de présidents de la République se sont comportés comme des souverains, parfois des dictateurs… ou des rois fainéants que j’en viens à croire que la manière importe davantage que le titre ! Préférons un roi démocrate à un républicain réactionnaire (aux États-Unis, cette dernière appellation constituerait même un pléonasme…)
»


Bon 21 juillet à celles et ceux qui me lisent !

Jacques Gennen, 16 juillet 2013

(Photo extraite de la vidéo que vous pouvez retrouver en cliquant ici)