Vivalia et sa restructuration hospitalière au menu du Conseil communal de Vielsalm!

Voici la première partie de mon compte-rendu de la séance du 8 juin 2015 telle qu'elle a été publiée dans l'Annonce de Vielsalm.

Avec un copieux ordre du jour! Qu’on en juge : comptes 2014 de la Commune et du CPAS, modifications budgétaires (Commune et CPAS), assemblées générales des intercommunales, marchés publics, le plan Vivalia 2025, etc., etc.

Je vous invite à lire le compte-rendu qui suit à propos du plan Vivalia 2025 mais aussi à voir ou revoir le débat organisé par TV Lux et qui a opposé nos deux spécialistes Jean-Bernard Gillet (pour Vivalia 2025) et Alain De Wever (pour le plan bis défendu notamment par les Arlonais). Vous trouverez le lien à la suite de mon compte-rendu. Une belle initiative de TV Lux!

Restructuration des hôpitaux luxembourgeois et plan Vivalia 2025

Je consacrerai la première partie de ce compte-rendu à la rencontre avec le docteur Jean-Bernard Gillet, directeur général adjoint aux affaires médio-hospitalières de Vivalia. Originaire d'Anloy, Jean-Bernard Gillet a notamment dirigé le service des urgences du CHU Mont-Godinne et de l’hôpital universitaire de Leuven. Il est aussi professeur de médecine urgente à la KUL (Katholieke Universiteit Leuven) et président du Conseil national des secours médicaux d'urgence.

Il est un fait que l’activité hospitalière évolue : augmentation de l’hospitalisation de jour, réduction de la durée de séjour et du taux d’occupation des lits hospitaliers, développement de l’hospitalisation à domicile et mise en œuvre de la surveillance télématique, mise en place de structures ambulatoires d’accompagnement, importance des modes des financements par forfait…

À quoi s’ajoutent la diminution du nombre de médecins spécialistes et la féminisation du corps médical, avec notamment des exigences légitimes portant sur une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle et sur l’intégration professionnelle dans des équipes étoffées, expérimentées, disponibles et dotées de plateaux médico-techniques performants.

Si ces constats sont partagés par tous, les conclusions qu’on en tire d’un côté ou de l’autre sont bien différentes, sur certains points tout au moins.

Ainsi, Jean-Bernard Gillet, avec l’appui de Vivalia, va d’une commune à l’autre pour présenter le plan Vivalia 2025, lequel repose notamment sur un « bi-site » hospitalier dans la Province de Luxembourg avec Marche et un nouvel hôpital centre-sud dont la localisation précise entre Léglise et Habay reste à décider.

le plan Vivalia 2025, l'hôpital centre-sud et les autres hôpitaux

Voici comment Vivalia présente son dossier. L'hôpital centre-sud de sera réservé aux activités de court séjour et de haute technologie, regroupant l’offre actuelle à Libramont, Bastogne et Arlon en lits de soins intensifs et salles d’opération ainsi que des moyens diagnostiques et thérapeutiques spécialisés (labo, radiothérapie, robots…). 

La pression sur les durées de séjour amène à prévoir pour ce site centre-sud un nombre de lits d’hospitalisation d’un minimum de 600 lits. Les hôpitaux existant à l’heure actuelle (Arlon, Libramont et Bastogne), appelés cliniques dans le plan Vivalia 2025, seront maintenus dans une activité de proximité : base de PIT (équipe d’intervention en aide médicale urgente) et des premières prises en charge de diagnostic et des urgences, en synergie avec les postes de garde de médecine générale. Avec des activités de consultation ambulatoire, de diagnostic de base, d’endoscopie, de soins de suite, d’hôpital de jour médical, voire de dialyse. 

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication permettront la mise à disposition des cliniques de l’expertise des hôpitaux (téléconférence, télédiagnostic, avis médicaux…). Progressivement, les étages d’hospitalisation de ces trois anciens hôpitaux seront reconvertis en maison de repos et de soins, service de réadaptation, service d’accueil de personnes semi-autonomes, habitation protégée, services de convalescence et de répit, etc. 

Le plan bis opposé à Vivalia 2025

Un plan bis est opposé à Vivalia 2025 et repose sur le maintien de trois sites aigus à Arlon, Marche et Libramont.  

(L'hôpital d'Arlon. Photo via rapport d'activité 2014 de Vivalia). Ce plan particulièrement défendu par les Arlonais avec l’appui du professeur Alain De Wever, spécialiste lui aussi de l’organisation et de l’activité hospitalières, mise sur le maintien des hôpitaux dans la ville, proches de leur bassin de vie, avec des spécialisations par site. Ce plan leur paraît beaucoup moins coûteux que la construction d’un nouveau site.

On peut comprendre le combat des Arlonais pour le maintien de leur hôpital aigu là où il se trouve. Leur hôpital est le fruit de plusieurs restructurations réussies non sans difficultés et est très bien géré au point d’être en boni contrairement à d'autres hôpitaux de la Province. Ils craignent aussi, en délocalisant leur hôpital, de perdre une partie de la patientèle des communes proches du Grand-Duché de Luxembourg et de la France.

Le débat au sein du Conseil communal

Le bourgmestre Élie Deblire présente le docteur Jean-Bernard Gillet et rappelle la structure de l’Intercommunale Vivalia et ses différentes institutions, dont la polyclinique de Vielsalm qui a connu un important regain d’activité grâce au dynamisme du docteur Philippe Deleuse. C’est lui qui a été à l’origine de l’installation d’un scanner dans la polyclinique.

(Élie Deblire s'est fait un plaisir d’évoquer la belle maison de repos et de soins La Bouvière construite à l’initiative de Vivalia et dont le gros oeuvre est quasiment terminé aujourd’hui)

Jean-Bernard Gillet rappelle les constats portant sur l’évolution de l’activité hospitalière : « Les hôpitaux doivent pouvoir s’occuper d’un ensemble de pathologies sans que la personne doive être transférée d’un hôpital à l’autre. Il faut faire face aux difficultés de recrutement de médecins qui souhaitent travailler dans des équipes plus grandes notamment pour faire face à l’organisation des gardes. 

La qualité des soins et de la prise en charge des patients prend une place de plus en plus importante. En France et ailleurs, on classe les hôpitaux selon des critères de qualité. Ce sera bientôt le cas chez nous ! 

Les patients vieillissent et sont dans des situations de santé de plus en plus complexes. Aucun hôpital existant à l’heure actuelle en Province de Luxembourg n’a la taille suffisante pour faire face à de tels défis. »

Jean-Bernard Gillet continue son intervention en soulignant, à propos du projet alternatif de maintien des hôpitaux d’Arlon, Bastogne et Libramont, que ces hôpitaux n’auront pas les volumes d’activité nécessaires pour garder les reconnaissances et agréments permettant de traiter certaines pathologies et d’accomplir certains actes chirurgicaux.

Après avoir rappelé l’importance de services d’urgence de proximité, d’une bonne collaboration avec les médecins généralistes et du maintien de services médico-techniques de proximité, le docteur Gillet poursuit : « Les tenants du plan bis veulent maintenir trois hôpitaux et les spécialiser, mais, depuis 10 ans, on n’y arrive toujours pas ! 

Il faut avant tout penser au patient et lui permettre de bénéficier dans un même hôpital de spécialistes pointus dans les différentes disciplines ! Il y a l’heure actuelle une majorité de médecins hospitaliers favorables à Vivalia 2025. La localisation précise du futur hôpital fait l’objet d’une étude. C’est vrai qu’il faudra davantage associer les médecins à la gestion de Vivalia. Quant au financement, nous avons de bonnes garanties de bénéficier des aides wallonnes et fédérales. »

Élie Deblire remercie le docteur Gillet et rappelle l’urgence d’une décision, en juillet au plus tard.

Christophe Bleret s’adresse au docteur Gillet: « Je vous remercie pour vos explications claires et professionnelles. Pouvez-vous, oui ou non, me dire s’il y a des enjeux politiques dans ce choix d’un nouveau site, de nouvelles constructions ? »

Jean-Bernard Gillet : « C’est en tout cas un choix politique au sens d’un choix citoyen. Dans tous les partis, il y a des gens pour une solution et d’autres pour l’autre solution. 

Y a-t-il des débats de clocher ? Oui… Quelques acteurs pensent moins à l’avenir de nos hôpitaux qu’à leur position dans leur commune. »

François Rion, au docteur Gillet : « Vos explications sont limpides, mais nous n’avons encore entendu qu’une des deux positions. C’est toujours plus clair quand on entend les deux options en présence. C’est un peu dommage. 

C’est bien d’avoir des hôpitaux spécialisés ; la question est de savoir jusqu’où on accepte le niveau de risque.  Quand un patient choisit un hôpital, ce choix est-il encore dicté par la présence dans l’hôpital de tel spécialiste ou en fonction de tel chef de service ? »

Jean-Bernard Gillet : « Des services renommés ne reposent pas sur un individu seul, mais sur un individu qui a fédéré une équipe. On choisit davantage l’hôpital en fonction de l’équipe. C’est vrai que certains services ont plus d’attrait que d’autres, mais ce sont leurs chefs qui ont su organiser une bonne équipe ! » 

À François Rion qui évoque encore les problèmes de mobilité notamment pour le personnel, Jean-Bernard Gillet indique qu’il y a des stratégies alternatives au profit du personnel.

Jacques Gennen : « Je ne voudrais pas commencer mon intervention sans rappeler que nous avons eu, le docteur Gillet et moi-même, l’occasion de travailler sur certains dossiers lorsque j’étais conseiller au cabinet du ministre des Affaires sociales, Philippe Busquin, fin des années 80. 

Le docteur Gillet est un spécialiste de l’aide médicale urgente notamment et cette question est essentielle quand on évoque une restructuration hospitalière. Pour beaucoup, ce qu’il faut avant tout, c’est une prise en charge rapide et efficace en cas de problèmes de santé ou d’accident et une hospitalisation dans un bon hôpital aigu doté d’un bon plateau médico-technique et d’équipes à la hauteur, même s’il est plus éloigné que nos hôpitaux d’aujourd’hui.

Le docteur Gillet a évoqué la collaboration avec les médecins généralistes et l’hospitalisation à domicile. Je veux simplement rappeler que la diminution du nombre de médecins généralistes ne facilite pas cette collaboration, la garde médicale non plus quand on connaît le temps d’attente à Vielsalm lorsque le médecin se trouve du côté de Theux par exemple. 

N’oublions pas non plus qu’il y a quasiment un moratoire sur l’extension des services et soins à domicile, malgré une demande toujours plus importante. Il y aussi la question du renvoi trop rapide des patients chez eux alors que leur prise en charge ne peut pas être correctement assurée. »

Jacques Gennen poursuit son intervention à propos du plan Vivalia 2025 et s’adresse directement au docteur Gillet: « Il y a une dizaine d’années, lorsque j’étais député bourgmestre, j’avais déjà pris position pour deux sites hospitaliers aigus  dans la Province de Luxembourg. Je m’étais fait rentrer dedans à l’époque. Mon avis n’a pas changé aujourd’hui. 

Poursuivez votre combat en faveur de Vivalia 2025. C’est un combat qui relève de l’intérêt général. Je ne veux pas pour autant sous-estimer les arguments de ceux qui défendent le maintien de l’hôpital d’Arlon, ils sont sincères dans leur argumentation. Mais pour moi, c’est non au maintien de trois sites hospitaliers aigus ! »

Jean-Bernard Gillet : « Effectivement, tout n’est pas à jeter dans les arguments que nous présentent les Arlonais et il faut faire attention à la polarisation. Je veux encore rappeler que le plan Vivalia 2025 insiste sur la qualité. La qualité, ce n’est pas seulement de la technologie, c’est aussi du respect au sein du personnel et de l’empathie envers le patient. »

Élie Deblire conclut ce débat : « Je voudrais encore souligner que des médecins et d’autres personnes ne se rendent pas suffisamment compte que l’échéance est proche. 

Et les médecins qui s’expriment le plus ne sont pas concernés par Vivalia 2025. Ils ne seront plus là, en 2025 ! Les jeunes médecins ont pour leur part envient de travailler dans un grand centre, en équipe, avec moins de gardes. 

Il y a quelques années, Vivalia avait imaginé le maintien des quatre hôpitaux aigus en en faisant des hôpitaux complémentaires. Cela n’a pas marché. À l’heure actuelle, il n’y a toujours aucun conseil médical unique au sein de Vivalia, ce qui ne fait que compliquer les choses ! »

On en reste là dans un dossier tellement important pour la population, sans perdre de vue que nos hôpitaux aigus comme celui de Bastogne et les équipes qui y travaillent ont rendu et rendent encore de bons services à la population.

(Un mot encore à propos du bi-site. Il y a pas mal d’années déjà, j’avais, comme d’autres, défendu l’idée d’un bi-site avec un hôpital centre-nord et l’hôpital d’Arlon, une idée qui n’a malheureusement pas été retenue alors qu’elle aurait pu faire son chemin, à l’époque ! Pour voir ou revoir le débat organisé par TV Lux, suivez ce lien: http://www.tvlux.be/video/vivalia-2025-vs-plan-alternatif-le-debat-en-integralite_19438.html#.VY8IJb0fLlA.facebook.

Jacques Gennen