Covid, crise sanitaire et soins palliatifs

Il y a quelques jours, j’ai eu un échange en visioconférence avec une partie de l’équipe de l’ASBL Au Fil des Jours, une équipe « de seconde ligne » en soins palliatifs (de « seconde ligne » car elle intervient normalement à la suite ou en soutien de l’équipe de soins habituelle de la personne). Elle rayonne dans toute la Province de Luxembourg pour accompagner des personnes en fin de vie.

C’était un manière pour moi qui fais partie du conseil d’administration de cette ASBL, d’être plus proche de travailleurs dont l’engagement professionnel a été et est toujours terriblement secoué par la crise sanitaire.

Je rappelle à la fin de mon article ce que sont les soins palliatifs.

Le premier constat que je retiens de cette rencontre est que j’ai eu l’occasion d’entendre, au travers des différents témoignages recueillis, une équipe certes fatiguée, mais surtout plus motivée que jamais, malgré les difficultés et le stress provoqués par la crise sanitaire !

(Pendant la visioconférence: Valérie Vandingenen (directrice), Alicia Moreau (assistante en psychologie), Marianne Monfort (secrétaire), Cécile Botte, Amandine Saudmont, Christine Bernard, Catherine Leclere (infirmières), Eloïse Louis (médecin référent) sans oublier Fabienne Jacquet et Emilie Eliard qui n'ont pas pu participer)

De la première à la seconde vague…

Pendant la première vague, le choix était compliqué pour accompagner les patients non hospitalisés entre ce qui était considéré comme essentiel et possible ou pas. 

L’équipe, durant quelques semaines, a dû se contenter d’intervenir le plus souvent en soutien téléphonique et parfois, malgré les risques, aux côtés de la personne malade. 

« Ce n’était pas facile pour nous de ne pas pouvoir être auprès de la personne en fin de vie alors que ces moments de fin de vie sont tellement importants pour elle, ses proches et ses soignants habituels. 

Nous n’avons jamais été à l’arrêt ni confinées, mais que de sentiments d’impuissance ressentis de ne pouvoir accomplir son travail avec les valeurs que défendent les équipes de soins palliatifs. »

Pendant la seconde vague, des unités hospitalières ont été fermées et d’autres submergées par les entrées, des malades ont été renvoyés chez eux.

L’équipe a dû suivre au domicile des patients atteints de pathologies cancéreuses ou non, atteints de surcroît par la Covid sans oublier les cas aggravés par l’arrêt de certains traitements pendant la première vague. Sans oublier aussi  les personnes victimes du glissement lié à l’isolement et à la détresse psychologique auxquels peuvent être confrontés nos aînés et les patients plus fragiles.

Une lourde charge de travail face à des situations complexes !

L’équipe a donc été amenée – et c’est toujours le cas ! - à suivre des situations plus complexes auxquelles se sont ajoutées des mesures sanitaires contraignantes, avec une charge de travail en nette augmentation. 

Les membres de l’équipe se voient moins et les échanges par écran interposé manquent de convivialité. Il faut faire preuve de créativité. Elles vivent depuis mars 2020 dans un stress quasi permanent,  tout devient urgent… Alors que travailler en soins palliatifs, par essence, demande de prendre le recul nécessaire et le temps de la réflexion, de l’échange.

« Le sens de notre travail a été mis à mal car à force d’être le nez dans le guidon, dans de telles conditions, on ne travaille plus de la même manière. L’équipe a souvent ressenti cette sensation de job non accompli jusqu’au bout, de manque face à des souffrances importantes.

La façon de rentrer en contact avec le patient et son entourage a changé, nos visages sont masqués, de la distance physique s’est installée, même si à certains moments on craque en posant tout de même une main sur une épaule, en tenant une main ou en donnant un bisou. »

Il y a le domicile, mais il y a aussi l’accompagnement en maison de repos et de soins pour autant que l’accès à la MRS soit permis aux membres de l’équipe ce qui n’est pas toujours le cas.

Une situation difficile aussi pour les volontaires !

Les contraintes sanitaires se sont imposées aussi aux volontaires formés à l’accompagnement, tant pour leur protection et celle de leurs proches que pour protéger les malades et leur famille.  

Des procédures strictes ont dû et doivent encore être adoptées pour des volontaires déçus de ne pas pouvoir, à certains moments, être auprès de la personne en fin de vie : avis médical préalable à toute visite, pas de réunion d’équipe en présentiel alors que la communication et le contact sans l’interface de l’écran, sont tellement indispensables pour le soutien mutuel et pour garder le moral et la motivation !

Des équipes de soins insuffisamment financées !

Je m’en tiendrai à la situation de l’ASBL Au Fil des Jours, mais la problématique est la même pour les autres équipes comme celles d’Accompagner (dont fait partie l’ASO, Accompagnements Salm-Ourthe) et les sept autres équipes wallonnes.

En 2019, 418 dossiers ont été constitués par Au Fil des Jours avec autant d’interventions auprès d’un ou d'une malade. Des subsides ont été accordés pour 150 dossiers. 

Un effort a été fait au niveau de la Wallonie, avec le soutien de la ministre Christie Morreale. L’équipe a pu compter sur un subside pour un engagement supplémentaire (14 h par semaine).

En 2021, les subsides de la Wallonie couvriront 236 dossiers. Ce n’est pas assez évidemment surtout si l’on prend aussi en considération les frais de fonctionnement et l’intervention insuffisante de l’AVICQ dans les frais de déplacement !

Heureusement, l’ASBL Au Fil des Jours peut faire face à son déficit grâce notamment à un subside de la Province de Luxembourg (25.000 euros), à un soutien financier significatif de la Mutualité Socialiste du Luxembourg qui comble le déficit de l’ASBL ainsi qu’aux dons de particuliers et aides logistiques diverses.

Les soins palliatifs

Pour rappel, voici la définition légale des soins palliatifs : « Par soins palliatifs, il y a lieu d’entendre: l’ensemble des soins apportés au patient qui se trouve à un stade avancé ou terminal d’une maladie grave, évolutive et mettant en péril le pronostic vital, et ce quelle que soit son espérance de vie. Un ensemble multidisciplinaire de soins est garanti pour assurer l’accompagnement de ces patients, et ce sur les plans physique, psychique, social, moral, existentiel et, le cas échéant, spirituel. »

Comme le rappelle un communiqué des fédérations de soins palliatifs, ces derniers « ne sont pas synonymes de mort, mais plutôt de qualité de vie. Ils tentent de continuer à donner goût à la vie tant qu’elle est là, malgré la maladie incurable. »

Le communiqué précise également le rôle des services spécialisés en soins palliatifs : « Dans la réalité, les soins palliatifs sont d’abord prodigués par l’équipe de soins habituelle du patient (médecin généraliste, médecin spécialiste, autres soignants) dans le lieu où celui-ci est soigné (domicile, hôpital, MRS, etc.). Ils sont intégrés au traitement de la maladie, en fonction de l’évolution de celle-ci et des besoins et souhaits des patients. Lorsque les besoins deviennent plus complexes, cette équipe de base collabore avec des équipes spécialisées en soins palliatifs, qui apportent une expertise et un soutien complémentaires. » 

Jacques Gennen, 30 novembre 2020 (avec mes remerciements à Valérie Vandingenen, directrice de l’ASBL Au Fil des Jours)