Conseil communal du 2 mars 2020 (Ire partie)

Jacques Gennen et Jérôme Derochette

Un petit rappel

Ces dernières années, le conseil communal a adopté le schéma de structure communal (un document qui exprime les options d’aménagement et de développement durable sur l’ensemble du territoire communal) et a décidé de mettre en œuvre la ZACC (zone d’aménagement communal concerté) n°5 de Cahay, située entre Cahay, Neuville et Vielsalm.

Cette mise en œuvre permettra la construction de logements à l'initiative des propriétaires concernés. L’urbanisation de cette zone est souhaitée pour renforcer le pôle principal de développement « Vielsalm » qui manque de réserves foncières importantes.

Mais pour mettre en œuvre cette ZACC, il faut élaborer un SOL (un schéma d’orientation local) et le RIE, le rapport sur les incidences environnementales qui l’accompagne.

La séance de ce jour avait comme point principal à l’ordre du jour la présentation du schéma d’orientation local par l’auteur de projet désigné à la suite d’un marché public de services, le bureau d’études Impact, représenté par Stéphane MOTTIAUX, ingénieur agronome.

Élaboration d’un SOL (schéma d’orientation local) 

Stéphane Mottiaux souligne d’emblée que le schéma d’orientation local doit traiter de tous les aspects qui constituent un territoire : les routes, les liaisons piétonnes, les infrastructures sociales et culturelles, les équipements techniques, les espaces publics et les espaces verts, la densité des constructions, les enjeux écologiques et environnementaux, la gestion des eaux pluviales, etc.

La procédure doit se dérouler de la manière suivante : successivement, adoption de l’avant-projet de SOL et du contenu du RIE, le rapport d’incidences sur l’environnement qui l’accompagne ; réalisation du RIE,  adoption du projet de SOL par le conseil communal ; une enquête publique ; les avis de la CCATM (commission communale de l’aménagement du territoire et de la mobilité) et du Pôle Environnement de la Région wallonne ; adoption définitive du SOL par le conseil communal,  nouvelles décisions de l’avis du fonctionnaire délégué, enfin, transmission au Gouvernement pour approbation ou refus.

Et encore, on vous épargne les étapes intermédiaires concernant notamment celles qui ont trait à la réalisation du RIE. 

Dans la zone retenue, quatre phases de développement (sur les cinq prévues par le schéma de développement communal) sont prévues avec une réalisation échelonnée dans le temps et des densités d’habitat différentes.

Le pourquoi de la mise en œuvre prioritaire de la ZACC de Cahay

La justification de la mise en œuvre prioritaire de la ZACC de Cahay repose sur les projections et constats suivants : 

- selon l’Institut wallon IWEPS, 8346 habitants (+525 habitants) et 3991 ménages (+612 ménages) sont prévus à l’horizon 2035 ;

- la population est vieillissante avec des répercussions sur la vie sociale et commerciale ;

- des jeunes doivent trouver à se loger près du centre-ville ;

-  il faut tenir compte de l’évolution de la typologie des logements (réduction de la taille moyenne des ménages et vieillissement de la population) et de la pression foncière sur les terrains à bâtir.

Sur cette base, le besoin en logements est estimé à + ou – 610 logements à l’horizon 2035.

La ZACC de Cahay est la seule réserve foncière en relation directe avec le centre de Vielsalm et peut répondre aux besoins illustrés par les projections et constats ci-dessus. La mettre en œuvre est également une opportunité pour le développement des équipements communautaires tels que les infrastructures de Vivalia et de l’ASBL Les Hautes Ardennes.

(Bureau d'études Impact. La zone retenue est contenue dans un périmètre bordé par le quartier de Cahay, la rue des Ardoisières, la rue Les-Grands-Champs, la rue des Combattants, la rue de la Bouvière, Neuville-Haut et retour vers Cahay)

Elle permettra de développer un quartier à vocation principalement résidentielle tout en assurant une certaine mixité des fonctions et en tenant compte d’impératifs tels que la préservation d’espaces verts, l’organisation des voies de circulation, liaisons de déplacement lent et d’espaces publics.

Une possibilité d’habitat groupé ou d’infrastructures communautaires sera possible dans l’espace autour de la MRS La Bouvière et Les bâtiments de l’ASBL Les Hautes Ardennes.

Les densités d’habitat prévues dans l'avant-projet de SOL

- 30 à 40 logements par ha dans le triangle (phase prioritaire) des rues Chars à Bœufs, Clinique, Grands Champs.

- 20 à 30 logements par ha entre les rues des Chars à Bœufs et des Ardoisières et Cahay.

- 10 à 20 logements par ha entre Neuville-Haut et Cahay. 

Les gabarits seront de deux niveaux (R+1+T) pour les constructions unifamiliales et de trois niveaux (R+2+T) pour les constructions multifamiliales.

Telles sont les principales informations fournies par Monsieur Mottiaux et qu’il a amplement détaillées en cours de séance.

Le bourgmestre Élie Deblire le remercie pour la clarté de son exposé et laisse la place au débat.

Le débat

Anne Wanet demande si un espace pour de l’habitat léger ne pourrait pas être retenu.

« C’est possible, lui répond Élie DeblireOn verra après l’enquête publique. » Ce que confirme Stéphane Mottiaux.

Élie Deblire : « Il est important de ne pas imposer les choix. La consultation citoyenne est nécessaire. Il faut aussi tenir compte de l’implication des propriétaires de terrains. Je rappelle que l’implantation précise des voiries et des égouttages par exemple n’est pas définitivement fixée. »

Sur question de Stéphanie Heyden, Élie Deblire confirme que les différents propriétaires n’auront pas nécessairement les mêmes vues d’aménagement. « Mais, précise-t-il, il faut d’abord que l’on retienne un objectif global avant d’éventuellement entrer dans certaines négociations. »

Jacques Gennen : « Ce dossier d’aménagement a débuté lorsque j’étais bourgmestre. L’objectif était déjà de favoriser le logement à proximité du centre-ville. 

Il n’a pas pu être mené à bien à la suite de difficultés juridiques et administratives avec la Région wallonne. Je me réjouis de le voir relancé depuis quelques années ! »

Élie Deblire : « Quand nous avons été au collège communal ensemble, on a effectivement perçu toutes les difficultés à surmonter. Les choses ont heureusement bien évolué. »

Intervention de François Rion

François Rion : « Ce qui est important avant tout, c’est de tenir compte de la demande et il faut se débrouiller pour faire des mises en œuvre qui répondent à la demande plutôt que de susciter un appel inutile d’habitants.

Nous sommes une commune rurale et nous ne voyons pas l’intérêt de gonfler exagérément le nombre d’habitants.

Vous argumentez, mais les données que vous présentez ne sont jamais que des statistiques ! »

Stéphane Mottiaux : « Ce sont des estimations qui ont été réalisées par l’IWEPS, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), qui est un institut scientifique public. »

François Rion : « Quand on a fait le schéma de structure, les statistiques présentaient 300 ménages à l’horizon 2035. Aujourd’hui, on saute de 300 à 600 ménages. Surprenant !

Ce qui est encore plus surprenant, c’est la densité retenue puisque l’on veut, à hauteur de l’Institut du Sacré-Cœur, accueillir 20 à 30 habitations par hectare. Le schéma de structure en prévoyait la moitié.

Et donc, tout le travail réalisé au moment de l’adoption du schéma de structure ne sert finalement à rien.

La commission consultative communale d'aménagement du territoire et de la mobilité a déjà donné des avis défavorables à des promoteurs qui voulaient valoriser leurs parcelles par une densité importante d’habitations.

Ce qui risque d’arriver, c’est qu’en augmentant la densité, on modifie la valeur foncière des parcelles. Comment expliquer cela dans d’autres coins de la commune ? Il faut un projet évolutif et y aller plus raisonnablement, quitte à revoir la situation dans 10 ans. »

François Rion termine son intervention par une petite pique adressée au bourgmestre : « Vous savez bien, Monsieur le bourgmestre, que notre rôle est aussi d’atténuer vos ardeurs "betonisantes". »

Le bourgmestre ne s’en laisse pas compter : « Le Gouvernement wallon dont Écolo fait partie, Monsieur Rion, a comme priorité de concentrer l’habitat dans les noyaux urbains ou villageois. Vous devriez en reparler avec votre parti. Pour ma part, partout où je vais, je plaide pour une densité limitée. 

Dans le schéma de structure, vous avez lu les parties du schéma qui vous intéressaient, mais je vous rappelle qu’il y est également question d’une densité maximale de 35 logements pour la zone proche de Vielsalm.

Ce qui est présenté aujourd’hui, c’est déjà en deçà de ce que les fonctionnaires de l’urbanisme voudraient. »

Le bourgmestre recadre les enjeux : « Au travers du rapport d’incidences et de l’enquête publique, il faudra diminuer la densité voulue par la Région wallonne dans la partie de la zone entre la rue des Chars à bœufs et la rue de la Clinique. Ailleurs, c’est 10 à 20 logements qu’il faut retenir.

Il faut permettre aux jeunes de trouver à se loger ici. Bien entendu, les habitats seront différents et il n’y aura plus nécessairement des maisons quatre façades.

Ce qui vous est présenté ici vaut pour le long terme sauf pour la partie entre la rue des Chars à bœufs et la rue de la Clinique, là où les terrains appartiennent à un seul propriétaire. »

Intervention d’Anne Klein

Anne Klein pose tout d’abord diverses questions.

« En fonction des diverses densités préconisées, combien de logements supplémentaires seront bâtis quand toute la ZACC sera urbanisée ? » Réponse de Thibault Willem : environ 400.

« Vous évoquez un phasage 1, 2, 3.  La commune dispose-t-elle d’outils légaux pour phaser la mise en œuvre de la ZACC ?  Ou une fois la ZACC affectée, chaque promoteur pourrait-il déposer son projet sans que la Commune ne puisse réguler d’une manière ou d’une autre cette urbanisation ? » Réponse de Stéphane Mottiaux : on peut introduire un phasage mais il est difficile de cerner quelles zones vont être mises en œuvre rapidement sauf là où il y a un seul propriétaire.

« Quels seront les impacts en termes de mobilité, de besoins de nouveaux services ? » Réponse de Stéphane Mottiaux : c’est le RIS qui va traiter de ces questions.

« Il y aura plusieurs contraintes : préserver des cônes de vue, des alignements arbres et haies, une zone de protection de captage.  Comment s’assure-t-on que les promoteurs respecteront ces contraintes ? » Réponse de Stéphane Mottiaux : une demande de permis ne pourra pas s’écarter des objectifs du SOL même si le SOL n’est qu’un document indicatif.

« À propos de l’assainissement collectif et de la station d’épuration, prévue pour 8100 équivalents habitants, les équipements seront-ils suffisants pour absorber les rejets des nouvelles habitations ? » Aucun problème pour Élie Deblire et Thibault Willem qui soulignent la nécessité de bien gérer l’égouttage et de faire en sorte que toutes les eaux de ruissellement ne se retrouvent pas dans l’égout.

« Il est question d’imperméabiliser une grande zone, une fois urbanisée quel sera l’impact en termes d’eaux de ruissellement ?  Quelle sera la gestion de celle-ci ?  Prévoit-on une zone tampon ? » Réponse de Stéphane Mottiaux : il faudra privilégier les citernes pour les eaux de pluie ou, ailleurs, créer des fossés, des noues… 

Anne Klein souligne encore que le dossier n’a pas été présenté comme tel à la CCATM. C’est son président qui a participé aux réunions techniques. Des remarques ont été émises en faveur d’un quartier durable. Elle demande s’il est possible d’intégrer dans la ZACC une zone dévolue à un écoquartier. Réponse de Monsieur Mottiaux : il n’est pas prévu d’écoquartier, mais des éléments s’en rapprochent. 

Anne Klein se demande si, s’agissant seulement d’un avant-projet, il reste une latitude pour le faire évoluer et elle conclut son intervention : « En ce qui me concerne, je suis sensible à tous les arguments évoqués en faveur du développement de cette ZACC, si je me suis moi-même installée au centre de Vielsalm, c’est en mesurant tous les avantages d’une localisation à proximité d’une gare, des services, des commerces, des équipements communautaires. 

Si je suis favorable au projet d’urbanisation de cette ZACC sur le fond, j’ai un vrai souci avec une présentation qui nécessite une approbation immédiate. 

Je suis conseillère communale.  Une conseillère, a priori, son rôle, c’est de conseiller !  Or, ici, je suis dans la position de ne pouvoir donner aucun conseil !  J’ai lu ce dossier de 115 pages ce week-end, j’ai tenté de comprendre, j’ai listé 33 questions et j’aurais quelques suggestions à faire pour améliorer le projet.  Mais, c’est ce soir qu’on vote l’approbation de l’avant-projet !

Je trouve donc que ce dossier aurait dû être présenté bien en aval d’une réunion du conseil, lors d’une commission où nous aurions eu davantage de temps pour questionner et débattre. 

Je trouve aussi que l’avant-projet aurait pu être bonifié par les citoyens de Vielsalm, qui sont eux experts des lieux et par notre CCATM qui a une vision large et experte des questions d’aménagement du territoire et d’urbanisme.   

Il faut réaliser que le développement complet de cette ZACC va rendre possible l’implantation de 300-400 logements. Sur l’ensemble de la commune, nous avons 3.000 logements environ. 

Je suis demandeuse de davantage d’informations, d’échanges, de consultation, de prises d’avis dans un dossier qui aura des implications très importantes avec la dimension irréversible des décisions urbanistiques. 

Demain, les Salmiens vont découvrir dans la presse que nous avons approuvé un avant-projet qui valide un énorme projet d’urbanisation à côté de chez eux !  Je pense qu’ils ont le droit d’être informés préalablement à ça. »

Élie Deblire s’adresse à Anne Klein : « Aujourd’hui, c’est d’un avant-projet dont on parle et il doit y avoir un rapport d’incidences sur l’environnement qui permettra d’apporter certaines réponses.

Il y aura bien entendu aussi l’enquête publique qui donnera la parole aux habitants. La CCATM rendra également son avis et cela nous reviendra ensuite.

Au travers du rapport d’incidences sur l’environnement, on répondra à vos 33 questions et elles seront transmises à Stéphane Mottiaux. Aujourd’hui, il faut donner le feu vert ! »

Anne Klein : « Un avant-projet donne des lignes dont on ne pourra plus s’écarter ! »

Stéphane Mottiaux : « Mais non et il restera d’ailleurs des incertitudes en fonction de la volonté des propriétaires. On peut avancer en se laissant la possibilité de revenir sur les problèmes soulevés. »

François Rion s’adresse à Stéphane Mottiaux : « Il y a aussi un potentiel agricole à mettre en œuvre. Êtes-vous, votre bureau et vos confrères, armés pour prendre en compte la reconversion de bâtiments agricoles ou de l’habitat existant ? »

Stéphane Mottiaux : « C’est un élément à prendre en compte. On a estimé aussi que le périmètre retenu n’était pas disproportionné. »

François Rion : « Économiser l’espace, c’est aussi commencer par restructurer déjà ce qui existe. Dominer un dossier aussi complexe est évidemment difficile. »

Élie Deblire rappelle les données de base sur lesquelles il faut s’appuyer : le schéma de structure communal, le schéma de développement du territoire qui définit la stratégie territoriale pour la Wallonie et la déclaration de politique régionale du Gouvernement wallon qui met notamment en avant l’urbanisation des centres-villes.

Jacques Gennen se veut optimiste : « Je suis d’accord sur la proposition du bourgmestre d’approuver cet avant-projet qui n’est pas contraignant et nous laisse une large latitude.

Nous reviendrons sur tout cela après les enquêtes et consultations et on veillera à ne pas se laisser imposer toutes les vues du Gouvernement wallon. »

Élie Deblire tempère : « Oui, mais vous connaissez la procédure, Monsieur Gennen, c’est le Gouvernement qui aura le dernier mot. »

Jacques Gennen : « Certes, mais nous ferons preuve de détermination ! »

Et Joseph Remacle d’ajouter : « Il en faudra beaucoup ! »

André Boulangé rappelle qu’il y a aussi des projets privés qui se développent au centre de Vielsalm.

Élie Deblire : « On ne les oublie pas. »

Anne Klein : « Ce dossier manque d’une codécision constructive ! »

Élie Deblire : « Vous l’avez déjà dit. On va passer au vote. »

François Rion : « On va voter oui tout en faisant de la densité un élément essentiel de notre réflexion et du travail à réaliser. On sera intransigeant sur cette question comme sur d’autres. »

Au vote, c’est l’unanimité pour approuver l’avant-projet de SOL, sauf l’abstention d’Anne Klein.