Au conseil communal du 12 décembre 2022 : débat à propos de Vivalia et de la MRS Saint-Gengoux

Jérôme Derochette et Jacques Gennen

(Extrait du compte rendu publié dans le numéro 22 (janvier 2023) du mensuel Les Nouvelles de Salm)

Vivalia et la MRS La Bouvière

(NDLR, pour rappel, l’Intercommunale Vivalia, c’est six sites hospitaliers, une polyclinique, quatre maisons de repos et maisons de repos et de soins, des habitations protégées, une maison de soins psychiatriques, trois crèches, etc. Et aussi : 1600 lits, plus de 3600 emplois et environ 400 médecins spécialisés. Des chiffres qui doivent être quelque peu revus à la baisse dans le contexte actuel, mais qui montrent l’importance de cet outil de santé publique dans notre province.)

Le bourgmestre dresse un petit topo général de la situation de Vivalia qui a été particulièrement éprouvée, comme chacune et chacun le savent, au cours des dernières années par la crise liée au Covid. « C’est une intercommunale en souffrance. C’est difficile à cause de la pénurie de personnel à tous les étages, essentiellement au niveau des infirmiers, mais aussi du personnel technique et médical. Vivalia se focalise vraiment sur son projet qu’on appelle toujours Vivalia 2025 même si on sait qu’il verra plutôt le jour à l’horizon 2030. 

Pour le nouvel hôpital, les budgets restent sous contrôle, le permis n’est toujours pas obtenu, on sait qu’il y a de fortes oppositions, surtout dans le sud de la Province, on s’attend donc à des recours devant toutes les instances juridiques. Des communes du sud de la Province ne défendent pas le projet ce qui crée des tensions. 

Quoi qu’il en soit, il faut quand même gérer le bateau Vivalia avec toutes ses implantations, ce qui devient compliqué car il y a des fermetures de services et de lits partout, sauf à Marche. C’est ainsi que Vivalia apporte la preuve que quand on modernise l’outil et qu’on l’utilise efficacement, cela peut porter ses fruits et l’on rencontre moins de problèmes de pénurie. Évidemment, Marche est moins proche du Luxembourg et de la France qu’Arlon. Je pense cela dit franchement que quand on modernise un outil, on attire des patients et du personnel. » 

Élie Deblire évoque également la polyclinique salmienne et la MRS La Bouvière : « Notre polyclinique, de son côté, a des difficultés à attirer les médecins, même si on a des chiffres de fréquentation corrects et puis il y a notre maison de repos où on connaît le même problème de pénurie de personnel, mais avec un taux d’occupation remarquable malgré les difficultés. C’est dire si notre maison de repos a toute sa raison d’être. Avec Monsieur Gennen, qui est président du Comité d’accompagnement, nous tentons d’apporter notre pierre à l’édifice pour que tout aille pour un mieux. 

Avec, pour Vivalia, plus de 3.000 membres du personnel, vous imaginez bien que chaque indexation des salaires a un impact considérable sur le budget. On prévoit 1,5 million d’euros de déficit pour 2022, malgré les aides régionales et du fédéral. En 2023, on prévoit un déficit proche de 6 millions d’euros. 

Pour notre maison de repos, les choses ne sont pas plus réjouissantes. On nous annonce pour 2022 300.000 € de déficit. C’est une projection faite il y a deux mois. En 2023, le déficit devrait avoisiner 500.000 €. Nous sommes prêts à accepter ces déficits car, derrière, il y a nos aînés : il faut se donner les moyens de ne pas diminuer les services qui leur sont proposés. Il faut que ces services restent corrects. 

Globalement, le secteur de la personne âgée est plus ou moins à l’équilibre car des bâtiments ont été vendus. Ce ne sera évidemment plus le cas en 2023. La Province va devoir assumer 50 % du déficit et elle va donc jouer un rôle important dans les années à venir. Va-t-on devoir utiliser une partie des réserves ? Si c’est le cas, on diminue évidemment la capacité d’emprunt. Il y a donc toute une réflexion à avoir. Le nouveau directeur général communique davantage que le précédent, est moins dans la finance, a une approche différente sur le terrain ; les choses peuvent donc aller dans le bon sens. »

Jacques Gennen : « Je me rallie aux propos que le bourgmestre vient de tenir, ils sont réalistes, mais tout de même plein d’interrogations quant au projet Vivalia 2025. Oui, on assumera le déficit pour notre MRS, mais il faut que la garantie des services et des soins soit assurée. Il n’y a pas de raisons que ce ne soit pas le cas. 

Je me pose quand même des questions quant à l’avenir de notre polyclinique : il était question d’en créer une à côté de notre maison de repos. Est-ce qu’on avance dans ce projet ? Il avait aussi été question d’une sorte de maison médicale au sein de cette nouvelle polyclinique. Là aussi, où en sommes-nous ? »

Élie Deblire : « Oui, j’ai parlé de la polyclinique actuelle et de son fonctionnement. L’ASBL “les Hautes Ardennes” a pris ses quartiers dans les étages du bâtiment. La polyclinique est au rez-de-chaussée et le docteur Deleuze en reste le directeur. Notre souci, c’est que Bastogne s’est plutôt tournée vers Libramont au détriment de Marche. La polyclinique s’est donc retrouvée avec un directeur de Marche et des médecins qui viennent de Bastogne ; ça fonctionne pour un mieux. 

En ce qui concerne le projet de nouvelle polyclinique, je suis évidemment très déçu de son évolution. Cependant, fort heureusement et avec d’autres, j’ai fait en sorte que 3 millions soient inscrits au budget 2023, le projet est donc toujours soutenu par le comité de direction. J’ai demandé aux urbanistes, qui disent avoir d’autres priorités, d’avancer. Certains plans ont déjà été présentés ; on me dit qu’ils pourraient être revus pour réduire la voilure. Je vais veiller à batailler ferme et à vous tenir informés. »

François Rion : « La particularité de Vivalia, ce sont les activités de proximité, comme notre maison de repos et le monstre qui s’implanterait au milieu de la Province. Évidemment, assumer au niveau communal un déficit à la maison de repos, cela va de soi ! 

Un service public de base à assumer par les services publics, c’est évidemment la santé. On a toujours connu ça ! Mais ce n’est pas un blanc-seing pour une gestion qui pourrait être hasardeuse à l’avenir. Évidemment, il y a l’implantation de ce monstre. 

Notre vote va sembler radical et il va l’être. Nous avons voté à de nombreuses reprises les projets de Vivalia, mais à un moment donné, c’est une intercommunale en souffrance, comme vous l’avez dit, mais il n’y a pas que ça. Il y a une stratégie de développement qui ne convient pas à un certain nombre de personnes. Vous parliez de la partie sud de la Province qui se montre récalcitrante. Arlon voudrait garder son hôpital qui lui offre toute la proximité des soins. 

Nous trouvons que, depuis l’élaboration du projet de construction d’un grand hôpital à Habay, il y a quand même pas mal de patinage stratégique dans toute la province et finalement on ne peut pas se dire qu’on va soutenir ce patinage. Il faut envoyer un peu des signes forts. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas du tout dans la stratégie de développement de cet hôpital, qui s’oppose finalement aux autres hôpitaux. 

C’est vrai qu’il y a des difficultés financières, des difficultés de personnel et on s’en est surtout rendu compte lors de la crise Covid. C’est évidemment auprès du personnel qu’il faut mettre un maximum de moyens et non pas dans la brique ou la technologie de pointe. Il y a des égarements, des dispersions et c’est dérangeant. À un moment donné, il faut marquer le coup. Notre vote sera donc négatif. »

Élie Deblire : « Le regroupement des hôpitaux, il est prôné partout en Belgique et en Europe. La pénurie de personnel, c’est partout aussi, dans tous les pays d’Europe ! Pour faire face à ça, il faut proposer un outil où les gens se sentent bien, où les médecins se regroupent par spécialité. 

Si on maintient le paysage hospitalier actuel, on ne va jamais s’en sortir. C’est totalement impossible de trouver des médecins spécialistes en suffisance, à la fois à Arlon, à la fois à Libramont et à la fois à Bastogne. La preuve, on est obligé de fermer des lits ; ce regroupement, il est primordial. Dites-vous bien que le paysage hospitalier d’aujourd’hui n’est pas tenable. C’est une question de survie des soins de santé en Province de Luxembourg. 

En ce qui concerne la localisation, est-ce que ce choix est à 100 % judicieux ? La question est posée, il y a eu plusieurs revirements par rapport à ça. On a toujours dit hôpital du centre-sud puisque Marche est dans le Nord qui se développe. »

Anne Wanet : « C’est un peu réducteur de dire qu’on n’a pas les spécialistes parce qu’on n’a pas le matériel. Il faudrait aller au-delà de Vivalia. Le problème, à l’échelle du pays, c’est aussi un problème de spécialisation, le fait qu’on ne forme pas assez et que la rémunération n’est pas attractive. Plutôt que mettre l’argent dans les briques, on devrait plutôt le mettre dans la revalorisation du personnel. »

Le bourgmestre : « Plusieurs millions ont été consacrés à la revalorisation des traitements. Moi, je me focalise sur la province de Luxembourg. Vous mettez sur la table un débat qui relève du Fédéral et du Régional ; moi, je n’ai rien à dire là, moi je fais avec ce qu’il y a.

Je pense que la seule solution aujourd’hui pour la province de Luxembourg est de proposer un projet à ces médecins spécialistes ; il faut aussi se dire que la profession se féminise de plus en plus et ces médecins ont parfois moins de temps à consacrer au travail, avant certains médecins travaillaient 12-13 heures par jour, étaient spécialistes en tout, maintenant ce n’est plus le cas. »

Anne-Catherine Masson : « Le nombre de numéros INAMI est limité et certains médecins gardent leur numéro. Ces numéros ne seront pas donnés à de nouveaux médecins. »

Anne Wanet : « Oui, mais créer un nouvel hôpital n’y changera rien. »

Anne-Catherine Masson : « Non, mais ça attirera peut-être de nouveaux médecins. » 

Anne Wanet : « Oui, mais on peut garder des structures plus locales, car tous les médecins ne voudront pas se délocaliser. Et en cas d’épidémie, ce n’est pas l’idéal non plus d’avoir tout au même endroit. »

Jacques Gennen : « Il faut toujours être prudent quand on parle de Vivalia et de deux hôpitaux aigus. Il y a un bon nombre d’années déjà, j’avais prôné la limitation à deux hôpitaux aigus dans un interview et cela m’avait valu un retour de bâton dans la presse, ce qui ne m’a pas fait changer d’avis. 

Je rejoins l’argumentation du bourgmestre. La seule chose que je regrette chez Vivalia, c’est le manque d’informations et même d’anticipation. C’est une chose de dire qu’il faut deux hôpitaux aigus, avec tous les avantages qui pourraient en résulter, mais il n’y a aucune information sur ce qui pourrait rester dans les hôpitaux actuels, en termes de services de proximité à la population. 

Même s’il n’y a que deux hôpitaux aigus, on sait que certains services médico-techniques notamment et d’aide médicale urgente peuvent être organisés dans des bâtiments locaux. »

François Rion : « La concentration du personnel à un même endroit est un problème de mobilité énorme. C’est pour ça qu’on le met près d’une autoroute, évidemment. C’est pour ça qu’on prône un rapprochement auprès des gens. Si certaines technologies de pointe devaient nous échapper, peut-être que ça nous permettrait à gagner en proximité et une meilleure qualité de vie. »

Anne Klein : « Les soignants de ces trois hôpitaux concernés, qu’est-ce qu’ils en pensent ? »

Élie Deblire : « Bon nombre de personnes vont rester où elles sont, cela ne va pas être le désert à Arlon ni à Bastogne, mais il y a encore des choix à faire ne serait-ce qu’à propos des lits de revalidation.

Certains choix ne sont pas encore faits ce qui rend la communication difficile. Le corps médical prône le rapprochement de la revalidation à côté de la médecine aigüe avec les grands hôpitaux alors que dans les communes où il y a un hôpital aujourd’hui, on prône la revalidation dans les structures existantes. Il n’y a plus de médecins ; ce n’est plus possible d’avoir des lits de revalidation à gauche et à droite. »

François Rion : « Quand on a déménagé le home de Provedroux vers la nouvelle MRS, on a dit que c’était dans l’intérêt des résidents et du personnel. Dans notre nouvelle maison de repos, je n’ai pas d’échos que le personnel se sente soulagé par les nouveaux locaux. Les couloirs, il faut se les taper. 

Il n’y a pas plus de facilités de travail. Il y a toujours aussi peu de monde pour les gardes. Ça sonne à gauche ou à droite du bâtiment, il faut choisir. Ça ne s’est donc pas amélioré. Donc a-t-on la garantie que cela ira mieux dans un nouvel hôpital, est-ce que les conditions de travail y seront meilleures ? »

Élie Deblire : « Je ne sais pas, je n’ai jamais rien entendu de tel de la part du personnel qui souffrirait davantage dans la nouvelle maison de repos en ce qui concerne sa mobilité. Si on prend la situation ancienne, on avait deux vieux bâtiments et des chambres qui n’apportaient plus le confort nécessaire. 

Je crois que l’on s’est braqué plus sur le confort du résident que sur le bien-être du personnel, il faut le reconnaître. Mais, de mon point de vue, la mobilité est meilleure pour le personnel qui vient travailler à la MRS La Bouvière plutôt qu’au home de Provedroux. Il y avait aussi la question du coût, ce n’était plus rentable et on n’arrivait plus à équilibrer le budget. On disait qu’il fallait une maison de repos de 120 lits pour arriver au seuil de rentabilité. »

Jacques Gennen : « Tout est perfectible, y compris à la MRS La Bouvière, et il faut entendre les critiques. Mais je pense pouvoir dire qu’on a bien fait de fusionner le home et la MRS et d’avoir un nouvel outil. C’est sûr qu’il y a des difficultés, notamment au niveau du recrutement, mais il y a toujours cette volonté d’offrir un bon service aux personnes qui y résident. »

Au vote, les mandataires écolos votent négativement l’ordre du jour. Les autres mandataires délivrent un vote positif.