Conseil communal du 11 mai 2023: convention transactionnelle avec Idelux

Jérôme Derochette et Jacques Gennen

(Extrait du compte rendu de la séance publié dans le numéro 27 du mensuel salmien Les Nouvelles de Salm)

Convention transactionnelle avec Idelux

Précisons d’emblée que pendant le débat comme au moment du vote, le bourgmestre n’était pas présent, étant à la fois bourgmestre et président de l’Intercommunale Idelux.

Il s’agit pour le conseil communal d’approuver le projet de convention transactionnelle mettant fin à un vieux litige avec Idelux qui date de l’implantation de Spano à Burtonville. Un montant de 208.420 euros sera versé à Idelux, la Commune prenant également en charge certains frais de justice et d’expertises.

Rappel des aspects factuels et juridiques du dossier

Thibault Willem rappelle le contexte juridique et historique de ce dossier.

Lorsqu’il a été question de l’implantation de l’entreprise Spano, le collège de l’époque, en sa séance du 13 septembre 1994, a marqué son accord sur une intervention communale de l’ordre de 31 millions de francs en soutien à cette implantation, à la demande d’Idelux. 

La délibération du collège échevinal devait bien entendu être soumise au conseil communal, seul compétent pour en décider et donc, seule une décision du Conseil communal pouvait engager la Commune. À l’époque, le collège communal avait pris sa décision de principe dans la perspective d’une recette très importante en centimes additionnels au précompte immobilier au bout de cinq années d’exonération. 

Par décision du 9 décembre 1994, Idelux confirmait la vente à Spano du terrain sur lequel la société devait s’implanter. Mais, le 29 mars 1996, le conseil d’administration d’Idelux abandonnait cette décision pour transformer la vente du terrain en contrat de location-financement, ce nouveau montage juridique privant la Commune d’une recette importante en centimes additionnels au précompte immobilier.

Le bourgmestre de l’époque, Marcel Remacle, n’a jamais soumis la délibération du collège au conseil communal.

Par la suite, le collège présidé par le bourgmestre Jacques Gennen a fait savoir à Idelux que la Commune de Vielsalm ne pouvait en aucun cas être liée par la délibération de principe du collège du 13 septembre 1994 en raison du montage adopté par Idelux en 1996.

Dans ses délibérations, Idelux a toujours fait référence à une délibération du conseil communal qui n’a jamais existé.

En 2003, Idelux décide de citer la Commune en justice, mais l’affaire n’a jamais été tranchée et Idelux n’a pas réagi pendant des années, jusqu’en 2017 où l’Intercommunale a réinterpellé la Commune.

Par la suite, des négociations ont échoué et l’Intercommunale a pris l’initiative d’introduire une action en justice. 

Le juge saisi n’a pas tranché la question des responsabilités, mais a, le 11 mars 2021, désigné un expert chargé de démêler les implications financières entre les Intercommunales Idelux et Idelux Finances et déterminer si Idelux a subi un préjudice financier, du fait du non-versement de l’intervention communale. Cet expert a fait une proposition de conciliation en décembre 2021.

Le conseil communal en sa séance à huis clos du 26 avril 2022 a décidé d’accepter une négociation avec l’Intercommunale Idelux dans le but d’aboutir à une solution transactionnelle qui coûterait à la Commune de Vielsalm un montant total maximum de 234.368 €. En 2003, Idelux réclamait à la Commune plus de 700.000 €, avec les intérêts en plus) 

Le conseil communal justifiait sa décision de 2022 en considérant notamment que « la Commune de Vielsalm, même si elle dispose de bons arguments juridiques à opposer à Idelux, n’en est pas pour autant à l’abri de décisions de justice qui pourraient lui être défavorables. »

Thibault Willem conclut sa présentation en estimant qu’il faut en terminer définitivement avec cette vieille affaire et en rappelant que le projet de délibération a été validé par la directrice financière et l’avocate de la Commune, Maître Feyt.

Intervention de Jacques Gennen

Jacques Gennen : « Je dois bien intervenir, étant un des acteurs de cette vieille affaire. Simplement pour rappeler que lorsque le Collège a pris à l’époque sa décision, il se trouvait devant une situation juridique qui était la suivante : Idelux vendait à Spano des terrains et Spano en devenait pleinement propriétaire. Cette situation juridique permettait à la Commune de percevoir d’importantes recettes communales en centimes additionnels au précompte immobilier. 

Il faut dire que le bourgmestre de l’époque n’a effectivement jamais pris l’initiative de soumettre cette décision au Conseil communal, mais il faut se rappeler qu’on était à l’approche des élections d’octobre 1994. 

Et il faut savoir aussi que deux ans plus tard en 1996, Idelux a modifié le contexte de la vente et s’est orientée vers un droit de superficie, ce qui changeait tout. Spano n’était donc plus propriétaire et donc, au revoir les recettes en centimes additionnels pour la Commune. 

Cette opération de location-financement décidée par Idelux en 1996 après la délibération du collège de 1994 n’a même pas été communiquée à la Commune. Je l’ai apprise à l’époque par hasard, par un collègue de la Région wallonne ! J’ai alors immédiatement dit au Collège que les conditions dans lesquelles le Collège s’était engagé en 1994 n’étaient plus les mêmes et qu’il était donc hors de question que la Commune prenne un tel engagement. 

Idelux n’a jamais attendu la délibération du Conseil communal, et cette intercommunale, censée connaître les aspects juridiques d’un tel dossier, s’est engagée dans des dépenses pour l’implantation de Spano, sans avoir eu l’accord du Conseil communal. » 

Jacques Gennen conclut son intervention : « Je reste convaincu que nous aurions gagné devant le tribunal car personne ne pouvait ignorer que le conseil communal était seul compétent pour engager la Commune. Mais voilà, cette affaire dure depuis tellement longtemps qu’il faut en finir, et, ma foi, finissons-en de cette manière.

Imaginons un seul instant que la Commune ait perdu devant le Tribunal, nous aurions payé beaucoup plus, mais je reste convaincu que la Commune aurait gagné, mais voilà, à chacun de voir les choses et d’apprécier. La délibération est bien écrite, circonstanciée, elle montre bien tous les aspects du dossier et je suis disposé à l’approuver. »

Thibault Willem : « Par rapport à la décision prise à l’unanimité par le conseil communal d’aller à la négociation, c’est vrai que tout est plaidable, mais comme vous le dites, il faut en terminer, c’est de l’argent public. Dans ce cas-ci, c’est un peu une décision en bon père de famille qui est nécessaire, conseillée par notre avocate, validée par la Directrice générale et la Directrice financière. »

Intervention de François Rion

François Rion : « En effet, nous avions aussi, lors de la réunion à huis clos du Conseil, laissé un mandat au Collège pour négocier. Donc, évidemment, c’est un peu compliqué de revenir en arrière maintenant, d’autant plus que le montant a fort diminué. 

Cela dit, ce sera 208.000 euros plus les frais d’avocat, les frais d’expertise, on arrivera sans doute à 250.000 euros. » 

François Rion évoque les explications données par Jacques Gennen et se dit convaincu que sans délibération du conseil communal, il n’y avait aucun engagement communal. Il rappelle les centimes additionnels perdus par la Commune à la suite du montage adopté par Idelux en 1996. 

Il ajoute : « On s’est laissé persuader, n’étant pas avocat, par la proposition de l’avocat qui a choisi de négocier plutôt que de plaider et on s’est dit « l’avocat connaît son métier ». On reste néanmoins très étonné que le juge n’ait jamais tranché une affaire pareille ! Mais comment est-ce possible ? Mais n’étant pas avocat, ni juriste, on ne sait pas se prononcer là-dessus. Donc, on est bien obligé de prendre cette dépense de 250.000 euros dans le coin de la figure et puis voilà, il faut la fermer.

Il me vient une autre réflexion : Jacques a rappelé qu’à l’époque, le Bourgmestre était en même temps vice-président d’Idelux, je me demande quand même quelle image aurait eu la Commune de Vielsalm, son collège, son bourgmestre et éventuellement son conseil communal, auprès des autres communes, membres de l’Intercommunale, si la Commune de Vielsalm avait gagné, autrement dit si la Commune dans ce litige-ci, avait privé Idelux et donc les autres communes, d’un certain revenu via les dividendes qu’Idelux leur ristourne en clôturant les comptes annuels. 

Je me demande se cela aurait été supportable par les autres communes et je pense que l’on n’a peut-être pas – et c’est malheureusement une idée qui me vient a posteriori et sans doute un peu tard –, mais on n’a peut-être pas combattu comme il aurait fallu combattre justement de crainte de nous mettre, collège, conseil et bien entendu bourgmestre qui est président d’Idelux, dans une situation peut-être un peu difficile vis-à-vis des autres communes dont le Président d’Idelux a la responsabilité. 

Bien entendu, puisqu’on a donné mandat l’an dernier, au Collège pour négocier, on n’a pas deux paroles. »

François Rion n’en reste pas là : « Je tiens quand même aussi à souligner que cette transaction pour un montant de 250.000 euros pour ce cher zoning qui créée tant d’emplois, en plus des 380.333 euros que la réfection de la route des Épicéas a coûté à la Commune l’an passé, en plus des réfections continuelles du pont qui passe au-dessus de la Salm, qu’on répare sans cesse depuis plus de 20 ans, en plus des frais du rond-point, des frais d’éclairage, du 2e rond-point, cela me conforte dans l’idée que ce discours sempiternel des entrepreneurs qui arrivent en disant « je vais vous offrir des emplois » reste et est de la vaste couillonnade. 

Le débat du jour pour le moment vise plus les métiers en pénurie que la création d’emplois, le débat de l’heure c’est cette intelligence artificielle qui va continuellement supprimer des emplois. Je pense qu’il est grand temps, en plus des discussions autour de notre échec dans ce dossier juridique, de se dire qu’il faut vraiment aborder le thème de la création d’emplois à n’importe quel prix et de prendre d’une oreille différente le discours que les entreprises continuent sans cesse de nous répéter de manière sempiternelle ! »

Thibault Willem : « On regrette aussi que le jugement du 11 mars 2021 n’ait pas tranché sur le fond. Je rappelle que le montage juridique de la location-financement est assez spécifique à la province de Luxembourg. Il a permis d’attirer des entreprises. Il est encore d’actualité.

Quant à la réflexion sur la création d’emplois, je veux simplement dire que cela permet encore à des familles de Vielsalm et venant d’autres communes avoisinantes d’avoir un gagne-pain grâce à des emplois peu qualifiés, mais aussi très qualifiés.

Je veux quand même aussi ajouter qu’en ce qui concerne la délibération du collège de 1994, elle est pour le moins laconique et ne fait pas référence à la problématique des centimes additionnels au précompte immobilier. Cela tombait peut-être sous le sens à l’époque, mais il aurait peut-être été prudent de le mentionner, cela étant, on ne refait pas le passé. »

Jacques Gennen : « En effet, première réflexion, gardons simplement à l’esprit qu’une délibération de collège, si on s’en tient aux règles de fonctionnement d’une commune, n’a aucune valeur lorsque la décision relève de la compétence du conseil communal et une intercommunale comme Idelux ne pouvait évidemment pas l’ignorer. 

Deuxième réflexion, c’est qu’effectivement, si on sait que la location-financement est toujours pratiquée par Idelux, il est aussi évident qu’en 1994, il n’était pas question, lorsque que le collège a pris sa décision, de location-financement, mais de vente de terrains et que par la suite, il n’y a eu aucune communication à la Commune de ce revirement dans la position d’Idelux. »

Thibault Willem : « C’est vrai qu’une décision de ce type, on n’en prend pas à tous les collèges et c’est clair que cette décision du Collège n’a pas de valeur en soi. »

Joseph Remacle : « Je comprends bien le discours de Jacques Gennen. Aucun problème au fait qu’il veuille dédouaner le collège de l’époque. Il faut rappeler aussi qu’on était en septembre 1994, à moins d’un mois des élections communales. C’était sans doute une période un peu délicate, comme avant chaque élection ; après les élections, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, personne ne le saura et donc il faut bien s’en tenir à la version qui nous est donnée.

Je n’ai pas vu de document où il était spécifié qu’il y avait un achat et que l’on ne reviendrait pas sur cet achat. Je n’en sais rien et donc, il y a un mystère quelque part et ce mystère, Jacques, est le seul et le dernier acteur autour de la table à le connaître. »

Jacques Gennen, avec le sourire : « Je vous ai tout dévoilé ! »

Joseph Remacle : « Et puis, que s’est-il passé par la suite ? J’ai bien ma petite idée pour que Marcel Remacle démissionne et que tu deviennes bourgmestre, mais bon, je n’ai pas de « nic-nac… »

Jacques Gennen : « Il y a effectivement de ces mystères… »

Joseph Remacle : « Il vaut mieux un bon arrangement qu’un mauvais procès ! »

Au vote, c’est l’unanimité pour approuver le projet de convention transactionnelle.